Lorsque je suis appelée par l’interne, je laisse Camille seul dans la salle d’attente, retire mes vêtements puis je vais rejoindre la radiologue qui m’attend pour l’examen. Toutes deux sont consciencieuses et se veulent rassurantes avec moi. C’est l’interne qui commence avec le sein droit en faisant des clichés de face et de côté. L’examen est désagréable car la poitrine doit est compressée entre deux plaques. Puis on passe au sein gauche qui lui aussi doit être vérifié. J’attends, torse nu, que les deux femmes observent les clichés. L’interne vient de nouveau et me dit que l’on doit les refaire car les images ne sont pas suffisamment précises au niveau du sein gauche. Nous refaisons donc l’examen. J’attends de nouveau. J’apprendrais plus tars que Camille, qui est en salle d’attente, entend la discussion des docteurs qui sont sorties de la pièce. « On ne peut pas prendre de risque, elle a des antécédents familiaux ». Cette fois-ci, c’est la docteur qui vient à moi et m’explique qu’il faut refaire de nouveaux les clichés car une zone en particulier a besoin d’être observée. Elle présente des calcifications. Je n’ai aucune idée de ce que c’est et de ce que cela veut dire. Elle positionne ma poitrine entre les plaques et de nouveaux clichés sont pris. Cette fois, elle m’explique enfin ce qu’elle voit. « Les calcifications, c’est normal d’en avoir, des plus ou moins denses en fonction de l’époque. Mais ils peuvent aussi être révélateurs d’une anomalie. Ici, ce n’est peut-être rien, mais comme vous avez des antécédents familiaux nous devrions procéder à un examen plus poussé et nous assurer que tout est normal. Pour ces raisons nous devons vous classer en catégorie ACR3 » Elle ordonne une biopsie que je devrai pratiquer la semaine suivante. Nous rentrons avec Camille et j’ai encore au fond de moi la sensation que les tests reviendront négatifs.
Philippe est venu nous rendre visite à la maison, avec son fiancé Maxime. C’est une journée magnifique et, tous les quatre, nous allons déjeuner en terrasse. Mon rendez-vous à la clinique est prévu en début d’après-midi, je laisse donc les garçons prendre un café au soleil tandis que Camille et moi partons en moto direction la clinique. Sur place, nous patientons un peu debout près d’une machine à café, car la salle d’attente est pleine. Je jette un coup d’œil aux personnes autour de moi et remarque une jeune femme qui a l’air d’avoir mon âge. Elle n’a presque plus de cheveux sur la tête, visiblement à cause d’une chimio. Elle a pourtant coiffé les quelques mèches éparses qui lui restent, comme si de rien n’était. À ce moment-là, je commence à prendre conscience que, bientôt, ce pourrait être moi à sa place et je réalise ce que je ne m’étais pas autorisée à penser jusqu’à maintenant. Est-ce que, comme elle, je m’accrocherais à mes derniers cheveux quitte à ressembler à un épouvantail effaré ? Une infirmière vient me tirer de mes tribulations en s’adressant à Camille : « Je vous ai reconnu. Laissez-moi vous emmener au calme, vous serez entre vous. » Cette femme nous conduit alors dans un bureau dans lequel nous patienterons, et je ne peux m’empêcher de penser que celle qui aurait besoin d’un traitement de faveur c’est cette femme quasi chauve. J’ai presque honte. Que va me réserver le destin ?
Je suis enfin emmenée dans le cabinet pour la biopsie. Le docteur arrive, tandis que deux femmes m’ont déjà installée. Je suis torse nu sur une couchette sur-élevée. Le docteur est très chaleureux et me fait même une blague : « Vous êtes courageuse de venir en pantalon blanc aujourd’hui ! » Blague que je ne comprend pas immédiatement. Il observe les clichés de la mammographie. « Honnêtement, si cela avait été moi, je n’aurais pas fait pratiquer une biopsie, je trouve que ma collègue a fait du zèle. J’en vois beaucoup des jeunes femmes comme vous, vous ne correspondez pas au profile d’un résultat positif ». Je me sens rassurée tandis qu’il procède à l’échographie pour déceler l’emplacement du nodule suspect. « Vous avez 3 nodules, mais ce n’est pas rare. Beaucoup de femmes en ont. La procédure voudrait que j’en fasse le prélèvement et que pour chacun d’entre eux j’introduise ce que l’on appelle un clip de repère à l’endroit où ils se trouvent ; au cas où l’analyse du prélèvement révèlerait une anomalie, on reviendrait alors aisément sur la même zone pour la « nettoyer ». Mais je suis sûr à 99% que vous n’avez rien alors je vais simplement tout enlever et ne pas laisser de clips. Est-ce que vous êtes d’accord ? » Bien sûr que je suis d’accord. Bien sûr que j’ai envie à 99% d’être seine et sauve. Bien sûr que c’est une erreur, ma place n’est pas ici, je devrais être en terrasse avec Philippe à l’heure qu’il est, et pas en train de me demander à combien de millimètre je me raserai la tête quand ce sera mon tour. Qu’auriez-vous dit à ma place ? Nous procédons donc à la biopsie des 3 nodules, et je comprends mieux la blague au sujet du pantalon blanc. Une biopsie, qui est en fait une macro biopsie dans mon cas, c’est plutôt sportif. Je garde les yeux fermée, concentrée en me disant que j’en aurai terminé pour de bon après cela. Le docteur me dit à la fin de l’intervention : « Vous aurez les résultats dans une dizaine de jours, puis retournez à votre vie ! »
Crédit photo d’illustration : Arianka Ibarra
Alice Detollenaere
mannequin, digital activist & combattante du cancer
Un site imaginé, créé, configuré avec ♥ par A&A
1 réflexion sur “LA MAMMOGRAPHIE & LA BIOPSIE”
Merci pour ce blog très touchant, plein d’authenticité, de douleurs, d’angoisses mais aussi plein d’amour, de courage et d’espoir !
Suite à une irm je dois subir une biopsie à l’institut curie dans qq jours, je suis morte de trouille.
Votre témoignage concernant cet institut me rassure.
Bon week-end à vous. 🤩